Un phare de la francophonie s’éteint
Le 17 février, au bulletin spécial de la radio, j’ai appris le décès de la grande autrice acadienne Antonine Maillet. C’est une grande perte autant pour l’Acadie que pour le reste de la francophonie canadienne et internationale.
J’emploie le mot phare pour deux raisons.
Premièrement, Antonine Maillet a été propriétaire pendant plusieurs années d’un phare, sa maison de Sainte-Anne-de-Kent, près de Bouctouche, au Nouveau-Brunswick.
Sur la fiche de vente de la compagnie immobilière, on y découvrait qu’elle était à « l’âge de céder sa maison à quelqu’un qui, à son tour, rêve d’un phare habitable, accessible, unique et rempli des rêves de celle qui l’a bâti », selon les informations fournies à Radio-Canada par Martine Blanchard.
Deuxièmement, un phare est un point de repère pour les navires afin d’éviter de se fracasser sur des récifs ou pour se guider dans le bon chenal.
Antonine Maillet était ce phare de la littérature acadienne, elle qui avait osé écrire le parler acadien traditionnel dans son œuvre.
Et, comme la lumière du phare qui guide dans la tempête et la nuit, elle a guidé à sa façon toute une cohorte d’écrivaines et d’écrivains de son coin de pays mais aussi d’ailleurs au pays et même à l’extérieur.
J’ai eu l’occasion de croiser Antonine Maillet lors d’un colloque sur l’éducation des adultes à Gravelbourg et de voir toute la force de caractère de cette personne hors de l’ordinaire.
Pour l’occasion, des francophones de tous les coins du pays engagés dans l’éducation des adultes, avec en particulier une très forte délégation du Québec, s’étaient réunis pour quelques jours de discussion au Collège Mathieu. Au programme, des discussions, des ateliers, des tables rondes (où participait notre honorable invitée), un banquet et un spectacle.
C’est lors de ce spectacle mettant en vedette des artistes locaux et de la francophonie que quelqu’un décida de donner un cours de français à l’assistance.
Alors que le chahut s’installait dans salle, sans dire un mot, Antonine Maillet, qui était assise à l’avant, s’est levée et a quitté la salle du Vieux Couvent où se déroulait le spectacle pour regagner la salle de réception du Collège Mathieu avec la majeure partie des gens de la salle.
Son message ne pouvait être plus clair. J’étais de ceux qui la suivirent et on se retrouva à discuter avec elle de l’événement, de la réaction des francophones présents et de la leçon qui était qu’il fallait se tenir debout malgré toutes les difficultés d’être francophones en milieu minoritaire au Canada.
Toujours dans le texte de Martine Blanchard, je retiens un autre bout de phrase : « […] qui te disent que ta part de vie vaut la peine de se bien vivre, en compagnie de proches et d’amis […] »
La Sagouine n’aurait pas dit mieux à cette nouvelle étoile du firmament où l’on prolonge nos regards en cherchant dorénavant la lumière du phare qui nous guidera dans la mer de la francophonie.
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