Les effets de la pandémie sur notre santé mentale
Ateliers présentés lors du Forum Santé 2021 du RSFS
Une trentaine de personnes ont assisté au Forum Santé 2021, présenté par le Réseau Santé en français de la Saskatchewan en mode virtuel le 27 mars. Si la pandémie a dicté le format de l’événement, elle en a également inspiré le thème qui était Les effets de la pandémie sur notre santé mentale. C’est Abdoulaye Yoh, le président du RSFS, qui a animé la rencontre.
La première partie du Forum était consacrée à 3 présentations par des professionnelles œuvrant dans le domaine de la santé mentale.
1- Impacts de la pandémie sur la santé mentale et le sommeil
Rébecca Robillard
Rébecca Robillard dirige l’Unité de recherche
clinique sur le sommeil à l’Institut de
recherche en santé mentale (IRSM) du Royal,
qui est affilié à l’Université d’Ottawa, et
codirige le laboratoire du sommeil de l’École
de psychologie de l’Université d’Ottawa, où
elle est également professeure adjointe. Les
travaux de la Dre Robillard visent également
à optimiser le sommeil et les interventions
chronobiologiques ciblant les troubles mentaux,
en portant une attention particulière à
la dépression majeure.
Crédit : courtoisie
Rebecca Robillard, PhD
Dans sa présentation, Rebecca Robillard, s’est penchée sur les impacts de la pandémie sur la qualité de notre sommeil. On a dû s’adapter à plusieurs changements dus à la pandémie. Beaucoup d’incertitudes économiques, des changements de routines qui ont un impact sur la santé mentale et sur le sommeil. Au cours de la dernière année, il y a eu une augmentation de 8% d’utilisation de médicaments pour le sommeil. Quand on utilise ces médicaments, on développe une tolérance et il faut augmenter les doses.
Elle a souligné que l’on adopte souvent des habitudes de vie saine, mais oublie souvent de prendre soin de notre sommeil. Le manque de sommeil chronique a une influence sur l’humeur dépressive et l’humeur a un effet sur la qualité du sommeil. Cela devient un cercle vicieux. On dort mal parce qu’on est stressé et on est stressé parce qu’on dort mal.
Voici quelques points à retenir de sa présentation :
Les profils de sommeils ont changé :
- Les lèves tard se couchent à la même heure, mais se lèvent plus tard – augmentation de la fenêtre de sommeil
- Les couche-tard se couchent et se lèvent plus tard – Délais de phase de sommeil
- Les petits dormeurs se couchent plus tard, mais se lèvent plus tôt – diminution de la fenêtre de sommeil
Les couche-tard et les petits dormeurs démontrent une augmentation des symptômes d’insomnie.
Les 10 règles de l’hygiène du sommeil pour en améliorer la qualité.
- Éviter la caféine de 4 à 6 heures avant le coucher
- Éviter la nicotine, surtout avant le coucher – la nicotine est un stimulant du système nerveux central
- Limiter l’alcool – aide à s’endormir, mais fragmente le sommeil avec des microéveils
- Faire de l’exercice cardiovasculaire durant le jour (pas en soirée)
- Éviter les repas copieux tard en soirée, mais prendre une collation légère peut être judicieux
- Entretenir un environnement qui favorise le sommeil (draps oreillers, matelas, lumière, température)
- Avoir un horaire de sommeil régulier
- Ne pas avoir de réveille-matin visible
- Éviter de ruminer au lit
- Se mettre dans un état d’esprit propice au sommeil avant le coucher.
Horloge biologique
- Les synchroniseurs externes sont perturbés et affectent notre horloge biologique. Il est important d’établir des routines à heure fixe.
- Réduire la quantité de lumière en soirée, incluant les ordinateurs et augmenter la lumière le matin.
Mauvaises habitudes :
- Se coucher tôt et espérer récupérer son sommeil
- Faire la sieste (diminue la capacité à s’endormir)
- Dormir tard la fin de semaine pour récupérer
- Lire, regarder la télévision et ruminer au lit
Astuces pour un meilleur sommeil :
- Horaire régulier de coucher et de lever;
- Réduire la consommation d’alcool, de cigarettes et de stimulants;
- Ne pas utiliser les appareils électroniques au lit;
- Exercice cardiovasculaire en journée;
- Garder le lit seulement pour le sommeil;
- Créer un rituel de préparation au sommeil. Ceci est d’autant plus important pour les étudiants et les élèves dont le bureau de travail est souvent à proximité du lit;
- Planifier au moins une heure ou deux pour se détendre avant d’aller se coucher
- Éviter les nouvelles juste avant le dodo.
2- Comment combattre les stigmates entourant la santé mentale
Nicole Loreto
Nicole Loreto est conseillère principale auprès de la présidente et chef de la direction de The Royal Ottawa Mental Health Centre. Elle est titulaire d’un doctorat en psychologie de la santé, d’une maîtrise en communication et gestion, et d’une licence baccalauréat en travail social. Nicole a créé le programme de sensibilisation à la santé mentale Is It Just Me?, qui a touché plus de 20 000 étudiants, réduisant ainsi la stigmatisation et encourageant les étudiants à chercher de l’aide lorsqu’ils en ont besoin.
Crédit : courtoisie
Nicole Loreto, PhD
La présentation de Nicole Loretto a débuté par une présentation des préjugés entourant divers problèmes de santé mentale. Elle a partagé sa propre réalité où elle a grandi en entendant divers commentaires par les gens de sa communauté à propos de son père qui avait des troubles bipolaires.
L’origine même du mot stigmate recèle un caractère négatif. Il vient du mot grec stigma que le latin a emprunté pour devenir stigmata qui signifie une marque faite au fer rouge sur la peau, généralement sur des esclaves.
Les préjugés entourant les troubles mentaux sont nourris par de nombreuses fausses croyances comme celle selon laquelle les troubles mentaux sont des traits de personnalité et démontrent une incapacité à gérer ses émotions.
Il y a deux dimensions à la stigmatisation qui se nourrissent mutuellement et créent un cercle vicieux :
- Dimension publique : réaction du public ou de notre entourage
- Dimension personnelle : autostigmatisation en réaction aux préjugés manifestés par les gens.
La présentation a permis de démystifier divers types de troubles psychiques comme la schizophrénie, troubles bipolaires et les troubles obsessionnel-compulsifs
Nicole a établi un parallèle entre une certaine stigmatisation entourant la COVID 19 et les troubles mentaux. La pandémie est le nouveau stigmate dans la société, car il y a un préjugé voulant que les gens qui sont infectés le soient par leur faute.
3- La pandémie et la santé mentale des étudiants
Meggan Porteous
Meggan Porteous est étudiante au doctorat en psychologie clinique à l’Université d’Ottawa. Elle étudie les liens entre l’insomnie,la dépression et le sommeil. Ses travaux de recherche s’intéressent aussi aux adolescents en détresse psychologique. Elle est membre de l’organisme 1 in 5, un groupe étudiant visant à promouvoir le bien-être psychologique et les connaissances sur la santé mentale dans la communauté, ainsi qu’à réduire la stigmatisation liée à la maladi mentale.
Crédit : courtoisie
Meggan Porteous, BA, Candidate au PhD en psychologie
Selon Meggan, les étudiants vivent les mêmes changements que la population, au niveau de la pandémie, mais les impacts sont plus importants à cause de leur situation. C’est une population vulnérable, car, même en situation normale, ils vivent des situations qui sont des sources importantes de stress : déménagement, incertitude financière, changements dans la gestion du quotidien). Avec la pandémie il y a un facteur de stress accru.
Ceux qui considèrent le campus comme leur domicile, leur point de repère, vivent une frustration suite à la fermeture des campus.
Les recherches auxquelles elle a participé ont révélé que :
- près de 50% des étudiants un niveau élevé de dépression;
- 40% démontrent de l’anxiété;
- 20 % manifestent des pensées suicidaires.
Pistes offertes pour gérer le stress :
À court terme :
- Exercices de respiration
- Exercice d’ancrage
Regardez autour de vous et trouvez 5 choses qu’on peut voir
- 4 choses qu’ont peut toucher
- 3 choses qu’on peut entendre
- 2 choses qu’on peut sentir
- 1 chose qu’on peut goûter.
- Nourrir un réseau de soutien social
À long terme :
- Protéger son sommeil
- Nourrir son corps
- Faire de l’exercice physique
Meggan a mis l’accent sur l’importance, pour les étudiants, de vérifier s’ils prennent bien soin de leur personne. Et pour ce, elle offre les questions suivantes que tous devraient se poser quotidiennement :
- Suivez-vous votre routine normale?
- Avez-vous été actif?
- Avez-vous accompli quelque chose?
- Si c’est le jour : êtes-vous habillé?
- Si c’est le soir : Êtes-vous fatigué et somnolent, mais résistez à vous endormir?
- Avez-vous fait du surtravail (mental ou physique)?
- Êtes-vous hydraté?
- Avez-vous pris une douche dernièrement?
- Avez-vous eu une connexion avec un être vivant?
Panel communautaire
Ces présentations ont été suivies par un panel communautaire, animé par Francine Proulx-Kenzle, qui nous a permis d’entendre les témoignages de 4 membres de la communauté fransaskoise : Shawn Jobin (Saskatoon), Jeannine Poulin (Saskatoon), Elena Popova (Regina) et Pascal Kayishema (Gravelbourg).
Shawn Jobin
Cet auteur-compositeur a dû mettre une bonne partie de sa carrière professionnelle en veilleuse. Mais cela lui a permis de donner toute son attention sur l’arrivée de son enfant. « On a vécu l’arrivée de l’enfant de façon intime et ça nous a rapprochés. Je ne suis pas en train de faire des tournées. Je planifiais des tournées et parfois dans une tournée je suis absent pendant quelques semaines. »
Par contre, l’absence de soutien et de proximité avec les familles, qui sont au Québec pour lui et en Belgique pour sa conjointe, s’est fait sentir.
Pour Shawn, une des notes positives de la pandémie a été de réinventer la façon de communiquer et d’initier des contacts avec des amis et la famille. « Avec les Zoom et les rencontres virtuelles, j’ai pu parler à des oncles et autres membres de la famille à qui je n’avais pas parlé depuis 10 ans. »
Il espère que les gens vont conserver certains réflexes une fois la pandémie terminée. « Chaque année j’ai une grippe et cette année je n’en ai pas eu. Le réflexe de se nettoyer les mains c’est à garder. Et puis, quand c’est la saison de la grippe, on devrait conserver le réflexe de protéger les autres quand on est malade. On a une drôle de relation avec les journées de maladie au travail. On rentrait au travail avec un rhume, car on pensait pouvoir travailler sans penser qu’on pourrait contaminer nos collègues. Il ne faut pas se sentir mal d’utiliser nos congés de maladie.»
Jeannine Poulin :
Pour Jeannine, le plus difficile est l’isolement « On n’a pas pu voir notre nouvelle petite fille. Ma mère décédée le mois dernier a vécu son dernier Noël seule. L’éloignement de nos proches est assez difficile. »
Pour elle aussi, la pandémie a été une occasion de repenser les façons de faire les choses, parfois avec du positif. « Ça nous a sortis de notre routine et forcés à penser différemment. On a été en contact plus souvent avec nos enfants. Chaque mardi, on a une rencontre virtuelle. Avant la pandémie, on n’aurait pas pensé à faire ça. »
Elle a observé que les endroits publics sont plus propres depuis la pandémie. « Partout où on va, on a l’impression que c’est plus propre. J’espère que ça va se poursuivre. »
Pour elle, la durée incertaine de la pandémie et les variants sont une source d’inquiétude. Elle prône « la prudence pour soi et pour les autres ». Pour l’après-pandémie, elle souhaite que les choses changent. « J’espère qu’on aura appris des choses et que ça ne sera pas nécessairement un retour à comment c’était. »
Elena Popova
Pour Elena, le plus difficile c’est l’inconnu. « On parle de 2e vague et on parle maintenant une 3e vague. Je suis de ceux qui sont fatigués de participer aux activités en ligne. Les enfants à la maison c’est un défi. Les contacts personnels me manquent beaucoup. »
Parmi les aspects positifs de la pandémie, il y a le temps que ses garçons, de 1 et 4 ans, apprécient passer ensemble. Il y a également les nouvelles façons de faire les choses. « La pandémie nous a fait découvrir des technologies qui étaient là, mais qu’on n’utilisait pas. Des gens peuvent plus facilement participer à des activités, car ils n’ont pas à se déplacer.
Elle souligne qu’il y a un défi considérable pour les enfants nés en période pandémique. « Nous avons un enfant qui est né 3 mois avant la pandémie. Il est intimidé quand il voit des étrangers il faudra prendre en compte l’importance de la socialisation pour l’après pandémie ».
Pascal Kayishema
« Le plus difficile c’est l’incertitude. Je ne vois pas où cela va finir. Où est-ce que je me situe face aux besoins de mon enfant (garderie et socialisation)? »
Pascal note également des points positifs. « Il y a l’implication de tout le monde et comment les gens réagissent et adoptent les mesures de protection. De voir comment les gens réagissent me fait voir que les gens ont beaucoup de capacité à s’adapter. »
Avec une pointe d’humour, il a partagé que la pandémie lui a également fait découvrir des capacités nouvelles. « Avant je trouvais que les femmes peuvent faire plein de choses en même temps. J’ai découvert que moi aussi je peux aussi faire beaucoup de choses en même temps. »
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