Début octobre, Älva Jouband-Uusitalo, connue pour être la directrice du festival CINERGIE à Saskatoon depuis 2022, a sorti son tout premier court métrage documentaire intitulé Tulomatka : Le chemin du retour. Une œuvre qui met en lumière son parcours pour renouer avec son héritage lantalainen.
Tourné lors de deux étés en Suède, l’un des deux pays d’origine de la cinéaste avec la France, Tulomatka a déjà remporté un prix d’excellence au Festival Cinémental au Manitoba.
Tulomatka signifie « le chemin du retour » en meänkieli, la langue des Tornédaliens, Lantalaiset et Kvènes, des peuples méconnus de l’Europe arctique et subarctique.
En Suède, environ 150 000 individus se réclament de ces peuples. Depuis 2020, les Tornédaliens sont d’ailleurs reconnus comme une minorité ethnique officielle du pays.
« Tulomatka a été inspiré de mon parcours personnel pour reconnecter avec mon identité culturelle et l'histoire personnelle de ma famille », explique Älva Jouband-Uusitalo, qui embrasse ses racines forézienne, suédoise et lantalainen.
La cinéaste a commencé sa vie en France et immigré au Canada en 2008. Elle réside à Saskatoon depuis 2012.
« On ne parlait pas beaucoup de culture dans ma famille. Mais, une fois au Canada, j’ai commencé à en apprendre plus sur les communautés autochtones, sur la colonisation et le concept de reconnexion avec ses racines. Ça a été une source d’inspiration. »
Des parallèles entre le Canada et la Suède
La créatrice se consacre à l’apprentissage de l’histoire et de la culture lantalainen, comme les pratiques folkloriques et linguistiques.
Crédit photo : Courtoisie
Comme au Canada, ces peuples autochtones, dont certains nomades, ont subi les conséquences de la politique mise en œuvre par le gouvernement, notamment celui de la Norvège.
« Il y a pas mal de liens entre l’histoire du Canada et de la Suède, note Älva Jouband-Uusitalo. Il y avait aussi des pensionnats autochtones en Suède où les jeunes subissaient des pratiques abusives d’assimilation. »
Les résultats ont été semblables à ceux connus au Canada, soit la perte de la langue et le traumatisme intergénérationnel.
« La honte s’est transmise dans ma famille depuis des générations. C’était normal de ne pas parler meänkieli dans la ville d’où vient ma mère. Quand elle était jeune, elle ne devait pas le parler dans la rue, c'était très mal vu et ils se cachaient. »
Relancer le dialogue
Le documentaire Tulomatka vient ainsi alléger la honte familiale. « C'était important pour moi de montrer nos paysages en Suède et la langue de ma grand-mère, le meänkieli », indique Älva Jouband-Uusitalo.
« Ma mère est très fière de moi, ajoute-t-elle. Elle est contente parce que c'est une façon d'avoir une reconnaissance de notre famille. »
La cinéaste constate que sa mère renoue elle aussi avec ses racines : « Elle parle de plus en plus de sa culture, de ses souvenirs d'enfance et de choses qu'elle n’avait jamais dites. »
Un dialogue retrouvé qui facilitera désormais la transmission d’une culture intrinsèquement liée à l’identité.
« Si on n'est pas connecté, ou reconnecté, avec sa culture, elle finit par se perdre. C'est à notre génération de la transmettre à la prochaine. »
Cette préservation vaut aussi pour le français, l’une de ses deux langues maternelles : « La globalisation cause la perte culturelle. Si on arrive au Canada et qu’on ne parle pas français, ça devient difficile. Si tout le monde se ressemble, il n’y plus aucune richesse. »
Une sensibilité accrue
Ainsi la résidente de Saskatoon se consacre à l’apprentissage du meänkieli et de l’arpitan, la langue régionale et maternelle de ses grands-parents français.
« De plus en plus de gens s’intéressent à leur culture. Ils reconnaissent une absence : quelle est ma culture à moi ? Qu'est-ce qui me rend unique ? »
Consciente de cet engouement, la Fédération des francophones de Saskatoon organise des visionnements publics du court métrage documentaire depuis sa sortie.
« J'ai eu des retours positifs de la communauté fransaskoise qui aime en savoir plus sur ma communauté et les parallèles entre les deux cultures. J’aime comment Tulomatka peut faire émerger des conversations », se réjouit la créatrice indépendante.
Pour visionner Tulomatka : Le chemin du retour, rendez-vous sur le site web d’Älva Jouband-Uusitalo.