Élections fédérales : les Fransaskois veulent faire entendre leur voix
À mesure que la campagne fédérale s’installe dans le paysage politique, les francophones en milieu minoritaire font entendre leurs priorités. En Saskatchewan, les Fransaskois sont bien décidés à profiter de ce moment pour rappeler que, malgré leur poids démographique modeste, leurs attentes sont bien réelles.
Accès aux soins, immigration, reconnaissance politique, présence francophone digne de ce nom dans les prises de décision d’Ottawa… La liste des enjeux pour les francophones hors Québec est longue.
« Cette campagne, c’est l’occasion de faire entendre la voix de notre communauté », souligne Denis Simard, président de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF).
La communauté, par le biais de ses organismes porte-parole, veut inciter le dialogue entre citoyens et candidats, notamment via la campagne Mon vote francophone qui invite les électeurs à interpeller les partis sur les enjeux linguistiques.
Une santé encore trop fragile
L’accès aux soins de santé en français demeure un problème structurel. Pour Innocent Minega, directeur du Réseau Santé en français de la Saskatchewan (RSFS), le constat est sans appel : les services en français sont rares, et lorsqu’ils existent, ils sont souvent invisibles.
« Les professionnels francophones ne sont ni identifiés ni répertoriés. Et sans visibilité, les patients ne peuvent pas y accéder », déplore-t-il.
Le manque de reconnaissance des compétences linguistiques pousse même certains travailleurs bilingues à taire leur maîtrise du français, par crainte d’un surcroît de travail non rémunéré.
« Pourquoi quelqu’un qui parle deux langues offrirait plus, s’il reçoit exactement le même traitement qu’un collègue unilingue ? » interroge le directeur.
Certes, des efforts ont été entrepris, notamment à travers des programmes de formation linguistique ou des services d’accompagnement communautaire, mais ces initiatives ne suffisent pas à répondre aux besoins d’une population francophone dispersée et mal desservie.
Innocent Minega plaide ainsi pour une action plus structurante du gouvernement fédéral.
« Il faut que le fédéral bonifie les programmes existants et intègre des clauses linguistiques dans ses ententes avec les provinces. Sinon, il n’y a aucune obligation de rendre ces services accessibles », plaide-t-il.
Immigration : entre ambitions et réalité
Autre dossier stratégique pour l’avenir de la francophonie en Saskatchewan : l’immigration.
Officiellement, le Canada vise une cible de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec. Dans les faits, la province peine à dépasser les 2 %.
Ronald Labrecque, directeur général de l’ACF, pointe du doigt une série d’obstacles bien connus : la lenteur des processus administratifs, la faible notoriété de la Saskatchewan à l’international, et des conditions d’intégration qui ne favorisent pas la rétention.
« On travaille avec les familles dès leur pré-départ. On les aide à s’installer, à inscrire leurs enfants à l’école, à chercher un logement. Mais la visibilité de la province est quasi nulle à l’extérieur du Canada », regrette-t-il.
Pour les nouveaux arrivants, accéder au marché du travail demeure un défi, en particulier lorsque les expériences acquises à l’étranger ne sont pas reconnues. À cela s’ajoute un sentiment d’isolement culturel et identitaire.
« Si tu ne te sens pas apprécié, tu pars. Ce n’est pas plus compliqué que ça », résume Ronald Labrecque, qui craint que l’immigration francophone ne soit reléguée au second plan dans les stratégies fédérales.
« Il y a un risque que les cibles soient revues à la baisse, et que l’immigration francophone passe derrière d’autres priorités. »
Une relation à deux vitesses avec Ottawa
Ces enjeux de santé et d’immigration relèvent en partie de juridictions partagées entre Ottawa et les provinces, ce qui complique encore leur traitement.
En Saskatchewan, où les relations fédérales-provinciales sont parfois tendues, la francophonie minoritaire se retrouve souvent coincée entre les deux paliers de gouvernement.
L’ACF propose que les députés fédéraux s’engagent à rencontrer les représentants de la communauté fransaskoise dans les 100 jours suivant leur élection. Un geste simple, mais symboliquement fort, pour rétablir un lien politique jugé distendu.
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