Un ménage à trois chez les lichens
Cladonia stellaris, une des espèces utilisée par le caribou. C'est une espèce de lichen que l'on retrouve partout dans les forêts de conifères âgées de la forêt boréale canadienne.
Photo: Mélanie Jean (2016)
Il est assez rare qu’on parle de lichens, ces petits organismes semblables à des plantes ou des croûtes colorées sur des rochers ou sur l’écorce des arbres. Les lichens couvrent environ 6% de la surface de la terre et on trouve plus de 550 espèces en Saskatchewan. Au courant de l’été, les lichens ont pourtant fait les manchettes scientifiques partout dans le monde. Une découverte à leur sujet pourrait bien révolutionner notre conception de ces organismes servant souvent de modèle à bien des cours d’écologie.
Les lichens sont le résultat de la symbiose d’un champignon et d’une algue. Les deux parties sont indivisibles, le champignon fournit une structure de soutien à l’algue qui, elle, est responsable de la photosynthèse pour nourrir l’organisme. Les lichens se présentent sous diverses formes dans des conditions parfois extrêmes. On les retrouve poussant sur les rochers, l’écorce des arbres et autres substrats souvent en croûtes rondes. On peut aussi voir des espèces pousser en filaments pendouillant sur les branches des arbres ou former des coussins plus ou moins denses sur le sol forestier tandis que d’autres lichens ont des formes aplaties comme des feuilles. Grâce à leur capacité à pousser sur tout type de substrat, les lichens sont un élément important de la succession végétale, puisqu’ils produisent des acides qui brisent lentement la roche en sol. Toutes ces espèces contribuent à la diversité des environnements qu’elles occupent.
Une équipe de chercheurs utilisant des méthodes d’analyse génomique à la fine pointe de la technologie a découvert que certains lichens pourraient en fait être des «ménages à trois», avec deux types de champignons et un partenaire photosynthétique. Le deuxième type de champignon identifié est une levure. Son rôle dans l’association symbiotique des lichens n’est pas encore tout à fait clair, et certains membres de la communauté lichénologique ne sont pas encore convaincus que les levures soient réellement des partenaires symbiotiques avec le champignon et l’algue qui forment les lichens. Un échange de nutriments ou autre, l’idée qu’un service en vaut un autre à la base du concept de symbiose entre la levure et les autres parties des lichens, demeure encore à prouver.
Il semble pourtant que la présence de levure dans les lichens soit un phénomène plutôt répandu. En effet, les chercheurs impliqués en ont découvert dans 52 espèces de lichens en provenance de tous les continents. Il peut paraître surprenant qu’un phénomène qui semble répandu n’ait pas été observé avant. Il faut savoir que les lichens poussent très lentement et sont très difficiles à faire croître en laboratoire, ce qui complique l’extraction et l’analyse de leur ADN. Les cellules de la levure sont aussi très difficiles à voir.
Lichens dans la forêt boréale de l'Alaska. Lorsqu'on les regarde de près, c'est comme une forêt miniature.
Photo: Mélanie Jean (2016)
On parle souvent des lichens en tant que nourriture essentielle au caribou migrateur et forestier. En Saskatchewan, le caribou forestier est une espèce en danger. C’est en hiver que le caribou dépend le plus des lichens, puisque c’est une des seules sources de nourriture qui soit disponible. Les caribous sont la seule espèce animale adaptée à la digestion de lichens en tant que source principale d’alimentation. Ces lichens sont souvent appelés erronément mousse à caribou, et font partie principalement du genre Cladonia. Les lichens peuvent aussi nous être utiles. Certaines espèces de lichens sont très sensibles à la pollution de l’air et sont utilisées comme biomoniteurs à plusieurs endroits dans le monde depuis le milieu du XIXe siècle.
Les lichens peuvent également servir de teinture. On s’en servait d’ailleurs il y a environ 2000 ans pour créer du violet et du rouge. Les lichens sont également utiles dans la recherche de nouveaux antibiotiques, ainsi que pour dater de vielles surfaces (lichénométrie). Finalement, les lichens peuvent être plutôt photogéniques et participent non-seulement à la diversité et au maintien d’écosystèmes en santé, mais font aussi partie intégrale du paysage. Malgré leur petite taille, les lichens nous réservent probablement d’autres surprises dans le futur!
Pour en savoir plus…
http://www.biodiversity.sk.ca/Docs/lichens.pdf
http://www.theatlantic.com/science/archive/2016/07/how-a-guy-from-a-montana-trailer-park-upturned-150-years-of-biology/491702/
https://www.icra.ca/assets/le-lichen-un-couple-apparemment-heureux-se-revele-etre-un-menage-a-trois/
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